SAINT JEAN DAMASCENE
Mahomet, ce fameux imposteur, soumit une partie considérable de l’Arabie avant sa mort en 632. Il eut pour successeur Abou Bakr As-Siddiq, qui étendit la conquête dans la Chaldée et dans le Perse. Omar, second calife des Sarrasins, se rendit maître de la Palestine, de la Syrie, de la Mésopotamie et de l’Egypte, sous le règne de l’empereur Héraclius qui mourut en 641. Othman et Ali furent ensuite élevés successivement au califat. Le premier mourut en 655 et le second en 660. Ali fonda la secte du mahométisme que suivent les Perses, mais qui est souverainement détestée par les Turcs et par tous ceux qui reçoivent les interprétations d’Omar et Othman.
Telle était la situation en Orient lorsque Jean vint au monde. Il est né à Damas à la fin du septième siècle, ville qui lui a fait donner le surnom de Damascène (il était appelé Mansur par les Sarrasins). Il était issu d’une noble et ancienne famille. Son père, quoique très zélé pour le christianisme, était singulièrement estimé par les Sarrasins à cause de sa naissance, de sa probité et de ses talents. Les califes l’élevèrent même aux premières places et lui conférèrent la charge de secrétaire du conseiller d’état. Le pieux ministre redoubla de ferveur et de vigilance sur lui-même à proportion de la grandeur du danger auquel il voyait sa foi exposée ; il prit un soin particulier à l’éducation de son fils dont l’innocence et la religion couraient tant de risques à la cour des princes infidèles. Il racheta des captifs dont un nommé Côme, religieux Grec distingué par sa vertu et son savoir. Le père de Jean désigna Côme pour instruire son fils.
Jean fut honoré comme son père parmi les Sarrasins ; le calife, averti de ses mérites, le nomma gouverneur de Damas sa capitale.
Après la mort d’Ali, la dignité de calife passa dans la famille des Omeyyades et celui qui en fut le premier était Mu’awiya. Ce prince et ceux qui lui succédèrent traitèrent toujours les chrétiens avec douceur. Jean par sa vertu et sa capacité des affaires, universellement reconnues, jouissait de la faveur du prince sans faire de jaloux. Il en résultait un très grand avantage pour la religion chrétienne.
Mais Jean ne pouvait vivre éternellement avec les dangers qui l’environnaient de toutes parts. Il craignait l’air qu’il respirait dans cette cour qui vivait dans l’abondance et les honneurs. Les réflexions qu’il se faisait chaque jour sur les faux biens du monde en détachèrent son cœur. Il prit la résolution de quitter sa place de distribuer ses biens aux pauvres et aux églises et se retira secrètement dans la laure1 de Saint Sabas, près de Jérusalem. Il eut pour compagnon Côme avec qui il avait fait ses études et qui sera sacré évêque de Maïouma (près de Gaza) en Palestine. Le supérieur de la laure donna à Jean un directeur qui lui fit la leçon suivante :
- Vous devez, lui dit-il, ne jamais faire votre propre volonté. Exercez-vous à mourir vous-même en toutes choses, afin de bannir de votre cœur tout attachement aux créatures. Offrez à Dieu vos actions, vos peines, vos prières. Ne vous enorgueillissez pas de votre savoir, ni de quelque avantage que ce soit ; mais convainquez-vous fortement de votre propre fond, vous n’êtes qu’ignorance et faiblesse. Renoncez à toute vanité, défiez-vous de vos lumières et ne désirez jamais d’avoir des visions et des faveurs extraordinaires. Eloignez votre esprit de tout ce qui pourrait vous rappeler l’esprit du monde ; gardez exactement le silence, et souvenez-vous que l’on peut pécher, même en disant de bonnes choses, lorsqu’il n’y a pas de nécessité.
Pour l’éprouver, son supérieur lui ordonna d’aller vendre des paniers à Damas pour un certain prix en lui interdisant de les vendre au-dessous du prix fixé. Quand Jean fut à Damas, il exposa sa marchandise : les passants se moquèrent de lui en le traitant d’extravagant et de présomptueux. On l’accabla d’insultes qu’il souffrit en silence. A la fin, un de ses anciens domestiques qui le reconnut eut pitié de lui et lui acheta tous ses paniers. Jean remporta ainsi la victoire sur la vanité.
Un autre jour, un moine était inconsolable après la mort de son frère. Pour arrêter ses larmes, Jean lui récita en grec des vers signifiant que tout ce que le temps détruit est vanité. Son directeur lui dit alors qu’il avait violé la défense faite de parler sans nécessité et le condamna à s’enfermer dans sa cellule, car il avait peur que sa science ne s’emparât de son cœur. Il avoua qu’il avait parlé sans nécessité et demanda le pardon des moines. La grâce lui fut accordée mais à des conditions très humiliantes auxquelles il se soumit avec joie.
Par sa vertu, Jean fut jugé digne d’accéder au sacerdoce, dignité que l'on accordait alors beaucoup plus rarement aux moines qu’aujourd’hui. Son directeur jugeant qu’il n’y avait plus de vanité dans son disciple lui donna la permission d’écrire. Jean prit alors la plume pour défendre la foi attaquée par les hérétiques.
L’empereur Léon l’Isaurien avait publié en 726 des édits contre le culte des images. Se sentant protégés, les iconoclastes s’étaient faits beaucoup de partisans. Pour arrêter cette déferlante, Jean écrivit ses trois discours sur les images. Il pose comme principe que l’Eglise ne pouvant errer, il est impossible qu’elle tombe dans l’idolâtrie. Il explique ce que l’on doit entendre par adoration de l’Être Suprême, appelée latrie, avec Saint Augustin et les autres pères. Après quoi, il montre la différence avec la vénération que nous marquons aux serviteurs et amis de Dieu et aux princes de ce monde conformément à ce que nous prescrivent la loi de la nature et l’écriture sainte. Dans l’ancien testament, l’adoration des images était interdite aux seules idoles et ne concernait que les Juifs. Si l’on veut observer la loi mosaïque alors il faut de nouveau se faire circoncire et observer le sabbat. Il dit d’ailleurs aux iconoclastes, : "Pourquoi n’honoriez-vous pas les images puisque vous honorez le lieu du calvaire, la pierre du saint sépulcre, le livre des évangiles, la croix et les vases sacrés ?"
Dans un autre chapitre il dit que l’on ne doit pas forcement obéir aux édits de l’empereur et dans un troisième chapitre il fournit la preuve de la tradition rendue de tous temps aux images.
Saint Jean Damascène ne se contenta pas d’écrire, il parcourut la Palestine pour prêcher contre les iconoclastes et protéger les fidèles persécutés. Il alla même jusqu’à Constantinople, n’étant pas effrayé par l’empereur Constantin-Copronyme qui favorisait ouvertement les ennemis de l’Eglise. De retour en Palestine, sous la domination des Sarrasins, il continua à défendre la foi catholique par de savants écrits.
Saint Jean mourut dans sa cellule vers l’an 780. On découvrit son tombeau près du portail de l’église de la laure, au douzième siècle, comme Jean Phocas nous l’apprend dans sa description de la Palestine.
1. Laure. Dans les Eglises orientales, une laure est un établissement monastique où les moines vivent, durant la semaine, comme des ermites, dispersés dans une région éloignée des zones habitées. Le samedi soir, le dimanche et les jours de fête, ils se rassemblent pour chanter ensemble les offices, prendre les repas en commun et recevoir l'enseignement d'un ancien. Il s'agit d'un mode de vie monastique mixte : semi-cénobitique et semi-érémitique.
Œuvres de Saint Jean Damascène. Elles comportent au moins 17 titres :
1° Le Livre de la dialectique
2° Le Livre des hérésies
3° Les quatre Livres de la foi orthodoxe
4° Les trois discours sur les images
Etc.
SAINT JEAN DEVANT LA PORTE LATINE
Vers l’an 95
SAINT EADBERT
Evêque de Lindisfarne en Angleterre + vers 699