A l’automne 1369, Jonathas, habitant de Bruxelles (Belgique) propose à un proche, Jean de Louvain, de voler des hosties pour lui. l’homme s’exécute. Peu après le forfait, Jonathas est assassiné.
Sa veuve et son fils, terrifiés, se réfugient chez des parents auxquels ils remettent les hosties volées. Le 22 mai 1370, veille de l’Ascension, ces personnes, étrangères à la foi, déposent les hosties sur une table et les transpercent avec un couteau. Aussitôt du sang gicle. Les témoins sont frappés d’épouvante.
L’un d’entre eux demande alors à une amie prénommée Catherine, de cacher ces hosties dans un lieu sûr, contre une récompense. La femme, avertie en songe de refuser, se rend chez le curé de Notre-Dame de la Chapelle à qui elle dévoile les faits. Elle lui remet les onze hosties miraculeuses que le prêtre dépose dans le tabernacle de son église.
Des soupçons pèsent sur Catherine : connaîtrait-t-elle les voleurs ? On la fait comparaître devant la justice civile. Grâce à sa déposition devant la justice, les malfrats sont arrêtés, jugés et exécutés. Les hosties, quant à elles, sont transférées à la collégiale Sainte-Gudule.
Un conflit éclate alors entre cette paroisse et le chapitre de Sainte-Gudule, chacune des « juridictions » revendiquant le droit de conserver le précieux dépôt. Robert de Genève, l’archevêque de Cambrai dont dépend Bruxelles à cette époque, tranche en faveur du chapitre de Sainte-Gudule. Par esprit d’apaisement, il accorde à Notre-Dame de la Chapelle, de garder deux des onze hosties. On ignore aujourd'hui ce qu’elles sont devenues.
Fin mai 1370, la collégiale Sainte-Gudule accueille solennellement les neuf hosties miraculeuses. Le chapitre ordonne une procession annuelle. A cette occasion, Charles Le Téméraire, duc de Bourgogne, autorise une coupe d’arbres pour servir aux décorations sur le parcours de la procession. Celle-ci a lieu chaque année jusqu’en 1402.
Lors de la procession de 1400, la pluie endommage les hosties. On les met à l’abri dans un tabernacle et on décide de ne plus les exposer. En 1402, l’évêque diocésain, Mgr Pierre d’Ailly, archevêque de Cambrai, authentifie le miracle de conservation qui perdure depuis plus de trente ans.
Plusieurs sources évoquent les faits : la comptabilité du duché de Brabant qui fait état d’une exécution de six condamnés le 22 mai 1370 sur la place de la Grosse Tour à Bruxelles ; l’enquête épiscopale de 1402 de Pierre d’Ailly ; un document manuscrit rédigé au milieu du XVe siècle puis imprimée à Cologne (Allemagne), en 1532…
Des miracles ont lieu autour de la relique. En 1405, un incendie ravage le quartier de Notre-Dame-de-la-Chapelle : 1400 maisons sont anéanties. La fin du sinistre est attribuée aux reliques eucharistiques : le reste de la ville est épargné.
En 1489, une épidémie de « suette anglaise » frappe Bruxelles : 33000 morts. On porte les hosties en procession : l’épidémie disparaît subitement.
En 1436, suite à une révélation privée, le pape Eugène IV bénit le projet de construction d’une nouvelle chapelle du Très-Saint-Sacrement-du-Miracle, dans la collégiale Sainte-Gudule. En 1450, les hosties désormais au nombre de trois, sont placées dans une croix-reliquaire qui a traversé les siècles jusqu’à nos jours.
Les décennies suivantes sont dignes d’un roman. En 1579, en pleine guerre de religion, les hosties sont dissimulées dans une poutre creuse dans une modeste maison. L’ostensoir précieux est mis à l’abri par un autre habitant : il va rester ainsi caché pendant six ans.
A l’été, après le rétablissement du culte catholique, l’archevêque de Malines, Jean Hauchin, authentifie les hosties sorties de leur cachette, qu’il ramène le 6 juillet à la collégiale Sainte-Gudule. La solennité annuelle en juillet est à nouveau organisée jusque dans les années 1770, sous le patronage des jésuites. Sous le règne de l’impératrice Marie-Thérèse, l’atelier bruxellois Van den Borght fabrique deux tapisseries commémorant l’histoire du miracle afin d’orner le chœur de la Collégiale.
Le Saint Sacrement est malmené sous la Révolution française. Le 25 novembre 1789, il faut précipitamment le mettre à l’abri. Il échappe plusieurs fois à la destruction avant d’être acheminée à Malines (Belgique).
A l’été 1804, la relique est amenée temporairement dans l’église Sainte-Catherine puis solennellement transférée à la collégiale Sainte-Gudule. Dans le contexte de la Restauration, la célébration annuelle du miracle connaît un faste grandissant.
Mais en 1870, les solennités du jubilé n’ont pas lieu par décision du cardinal Deschamps, archevêque de Malines : en proie à une lutte avec les libéraux, le prélat décide de renoncer à ces solennités. La fin du XIXe siècle voit un sérieux déclin du pèlerinage. En 1935, le cardinal-archevêque, Mgr Joseph-Ernest Van Roey, fait porter le Saint-Sacrement à Malines pour le Congrès eucharistique régional. La Seconde Guerre mondiale porte un rude coup aux manifestations diocésaines.
Pourtant, en 1962, l’archevêque de Malines-Bruxelles, le cardinal Suenens, donne la bénédiction avec le Très-Saint-Sacrement-du Miracle et deux ans plus tard, la procession se déroule avec un reposoir sur la Grand-Place.
Une plaque de bronze a été placée dans la cathédrale en 1977. L’ostensoir-reliquaire est conservé au musée dans l’ancienne chapelle du Miracle transformée.
En 2018, une enquête ecclésiastique confirme que le reliquaire ne contient plus d’hosties.