Nous avons célébré Noël et nous entrons dans ce que la liturgie appelle « l’octave » de cette fête.
L’octave ? C’est huit jours la fête. Huit jours pour comprendre, pour scruter, pour aimer.
Huit jours hors du commun des jours, huit jours habités par cette lumière de Noël qui nous renseigne tant sur notre véritable destinée.
On parle, dans le monde, de la trêve des confiseurs, c’est-à-dire d’un long moment d’oisiveté où l’on n’aurait pas d’autre but que d’enrichir les confiseurs, au détriment de notre santé.
C’est absurde ! Cette semaine offre plutôt comme une longue chambre d’échos où le chant des anges, Gloire à Dieu dans les cieux et paix sur terre aux hommes de bonne volonté, résonne en notes successivement recueillies et triomphantes dans nos mémoires attentives.
Huit jours de triomphe pour ce roi qui, en devenant homme, a proféré sa vérité et la nôtre.
Noël est une borne lumineuse dans chacune de nos destinées. A Noël, Dieu s’est intéressé à nous, Dieu nous a aimés au point de se faire l’un d’entre nous, sans autre signe distinctif que les langes qui emmaillotaient son corps.
Bientôt ce Messie attendu offrira son corps, conformément aux Ecritures. Mais pour lors, à sa naissance, tout baigne dans une extraordinaire légèreté. Curiosité d’abord, celle des Bergers, ces outlaws qui sont les premiers au courant, et qui déclarent comme des prophètes : Videamus hoc verbum quod factum est, quod Dominus ostendit nobis (Lc 2, 15). « Voyons ce Verbe qui a été faite, que le Seigneur nous a montré ».
Cette curiosité est satisfaite dans l’exacte mesure où elle se manifeste : « « Voyant l’enfant dans la mangeoire, ils connurent au sujet de ce Verbe, qui leur avait été dit au sujet de cet Enfant ». Ils connurent ! Que connurent-ils ? Au-delà des apparences qu’offre ce bambin, ils découvrent l’infinie tendresse d’un Dieu qui se donne à aimer. Plus de peur !
L’Infini devient accessible. Cette curiosité est sans doute ce qui nous manque, face au Mystère de la Crèche : nous détaillons une scène trop connue, mais nous n’avons pas souci de VOIR au-delà des apparences, de découvrir l’Infini dans le fini.
Admiration ensuite, non seulement de la part des bergers, mais de la part de tous les habitants du village, auprès desquels les bergers se sont répandus et qui viennent eux aussi, poussés par une curiosité inextinguible. « Et tous ceux qui ont pu entendre se sont étonnés au sujet de ce qui leur avait été dit par les bergers ». Le rôle des Bergers est de renvoyer immédiatement la parole qu’ils ont reçue. Ce ne sont pas des spirituels et c’est pourquoi ils prophétisent pour les autres. En contraste avec cette extraversion, qui reste providentielle, mais à propos de laquelle on sent presque comme un blâme (ces bergers parlent trop : ils vont déchaîner la colère d’Hérode), l’Evangéliste évoque alors d’un mot la figure de Marie : « Marie sa mère observait toutes ces paroles (en grec, c’est le mot utilisé pour l’observation de la Loi) en les agitant ensemble dans son cœur ».
Marie nous est-il dit s’ouvre jusqu’au plus profond d’elle-même, elle ouvre le sanctuaire de son cœur, pour y placer ces paroles, mais cela ne l’empêche pas de les scruter pour tenter d’en pénétrer la signification révolutionnaire. Elle découvre petit à petit les recoupements à travers lesquels l’Esprit de Dieu se fait connaître – petit à petit – à l’esprit de l’homme.
Devant le mystère de Noël, sommes-nous comme les bergers des caisses de résonnance pour la Parole qui nous laisse enthousiastes ?
Sommes-nous de simples auditeurs admiratifs, comme les autres santons de cette première crèche vivante ?
Ou sommes nous, comme Marie, touchés jusqu’au cœur par cette Révolution spirituelle que Marie avait chantée dans son Magnificat : « Il a déposé les Puissants de leur trône pour élever les humbles ».
Heureux les humbles !