Oh ! Je ne suis qu’un piètre aumônier, pas assez disponible, pas assez proche des Banquisards.
Mais je crois à l’importance de cette initiative. La Banquise, c’est ce que le romancier Michel Houellebecq appelle aussi la possibilité d’une île : « Il existe au milieu du temps, la possibilité d’une île ».
Voilà ce qu’est la Banquise : au milieu du temps, dans les courants, les vents contraires, les tempêtes, un sol ferme, toujours disponible à ceux qui y ont abordé, qui se manifeste immédiatement comme une force de prière et une amitié.
Chacun est arrivé à la Banquise par son propre chemin. Chacun a exorcisé ses petits démons personnels, avant de réaliser : « Il existe, au milieu du web, la possibilité d’une vie spirituelle à plusieurs, par laquelle on se protège mutuellement, dans laquelle on n’est jamais seul, par laquelle on peut accomplir son destin, du moment qu’on ouvre l’oreille du cœur et que l’on réponde à l’appel (différent pour chacun) qui nous est adressé comme justifiant toute notre vie.
Impossible d’entendre cet appel si l’on passe son temps à batifoler dans les eaux glacées du monde. Il faut un refuge. « Tout le malheur de l’homme vient de ce qu’il ne sait pas passer une heure sur la Banquise spirituelle » disait à peu près Blaise Pascal.
Différence entre la Banquise et Pascal ? Pascal parlait de solitude, de la nécessité d’une vraie solitude. Pour des âmes bien équarries, vivant dans une société traditionnelle, il avait raison. Pour nous, la solitude spirituelle tout de suite, là, maintenant, c’est trop dur. Il faut d’abord pouvoir se parler les uns aux autres, communiquer chacun sur ses malheurs personnels, demander des prières, se sentir soutenus, dans le grand élan de la communion des saints.
Il ne s’agit pas d’une institution, ce n’est pas un tiers-ordre, avec des engagements pesants, non ! C’est juste un moment de repos et de beauté, offert à qui veut le prendre, pour reprendre cœur.
La Banquise, c’est l’union des cœurs, l’union par le cœur de ceux qui savent qu’on ne doit pas laisser traîner son cœur à la merci des passants et qu’il faut écouter le cri liturgique que le prêtre nous adresse à chaque messe : sursum corda. Oui, en haut les coeurs, tous ensemble, les uns par les autres, les uns pour les autres. Voilà la Banquise dont je m’honore d’être l’aumônier.
Dernier mot : les Banquisards ne se prennent pas au sérieux pour autant, nous sommes tous des pingouins, et c’est pour cela que nous aimons nos frères les animaux. « Toute la création attend sa délivrance » écrit saint Paul aux Romains. Nous aimons nos frères les animaux, sur la Banquise comme à Sainte Rita du XVème d’ailleurs, parce que nous savons que Dieu ne laissera pas sa création tomber dans le néant. Il y a, nous en sommes sûrs, un salut, que Dieu connaît, pour nos amies les bêtes. C’est la raison pour laquelle nous sommes ensemble sur la Banquise, qui prendrait presque des allures d’arches de Noé virtuelle, dans le déluge de pluie de ces dernières semaines.
Je dirais même : dans l’atmosphère diluviale de ce monde.
Abbé Guillaume de Tanoüarn .