Deuxième question : Les corps glorieux ? Que faut-il comprendre dans cette expression ?
Résurrection de la chair mais à quel âge ?
Jésus dans son corps glorieux n'a pas été reconnu tout de suite .....
La question des corps glorieux est très importante, beaucoup
plus qu’il n’y paraît.
Il faut d’abord en chercher les sources dans l’Ecriture.
On peut dire qu’il y en a deux : les textes montrant le Christ
ressuscité avec son corps, mangeant avec ses apôtres sur le
bord du lac ou rompant le pain avec les disciples d’Emmaüs :
« Ils le reconnurent à la fraction du pain ». Saint Paul a bien
souligné cette ressemblance de tout homme avec le Christ
ressuscité, si seulement nous acceptons « d’être ensevelis
avec lui » : « Nous avons donc été ensevelis avec lui par le
baptême en sa mort, afin que, comme le Christ est ressuscité
des morts par la gloire du Père, nous aussi nous marchions
dans une vie nouvelle.
Si, en effet, nous avons été greffés sur lui, par la
ressemblance de sa mort, nous le serons aussi par la
ressemblance de sa résurrection » (Rom. 6, 4-5).
On peut dire que toute l’œuvre de saint Paul est une
méditation sur la vie et la mort, sur la mort consubstantielle
à notre condition et sur la vie qui nous est donnée par et
surtout dans le Christ.
Ainsi faut-il comprendre son « Pour moi vivre c’est le Christ
et même mourir m’est un gain ». Sans la résurrection c’est
la mort qui a le dernier mot.
Il y a aussi l’étonnant chapitre 15 de la Première épître aux
Corinthiens. « Mais, dira quelqu'un: Comment les morts
ressuscitent-ils? avec quel corps reviennent-ils ? » A l’époque
de saint Paul, on s’est déjà posé votre question. Saint Paul
répond avec force : « Insensé ! [excusez moi pour celui qui
a posé la question] ce que tu sèmes ne reprend pas vie, s'il
ne meurt auparavant. Et ce que tu sèmes, ce n'est pas le
corps qui sera un jour; c'est un simple grain, soit de blé,
soit de quelque autre semence ».
Dans saint Jean aussi le Christ compare sa vie et sa
mission au grain de blé : « Si le grain tombé en terre ne
meure, il ne porte pas de fruits ». Au fond la logique de la vie
est faite de corruption et résurrection. C’est cette logique que
nous épousons dans le Christ en acceptant sa vie comme la
nôtre,en acceptant la croix et la résurrection. Chaque mort est
dramatique (l’agonie le montre bien), mais dans ce drame,
avec l’amour, se cache la vie qui renaît dans le Christ.
« Mais Dieu lui donne un corps comme il l'a voulu, et à chaque semence il donne le corps qui lui est propre » : le corps de
l’homme semble d’une nature particulière, non qu’il ne soit
pas matériel, mais c’est un corps fait pour renaître. Le visage
de l’être humain manifeste, à travers le regard, la peine ou
la joie, quelque chose de transcendant déjà à la matière.
« Il y a aussi des corps célestes et des corps terrestres ;
mais l'éclat des corps célestes est d'une autre nature que
celui des corps terrestres ».Ce que Paul appelle
« corps célestes », c’est d’abord
« le soleil et la lune », parce qu’à l’époque encore on les
appelle « des dieux visibles » (Aristote Métaphysique
12, 8). Mais ce sont aussi nos corps glorieux. Il y a plusieurs
modes d’existence des corps semble nous dire saint Paul.
Dieu sait qu’aujourd’hui notre corps n’est pas forcément
glorieux, mais il peut le devenir, il est appelé à le devenir dans
le Christ – étant d’ores et déjà sur la terre « le Temple du Saint
Esprit » (I Co. 6).
Si la comparaison avec le soleil et la lune nous déroute. Il faut
nous remettre dans le contexte de l’époque et nous dire
que de même que les corps sont différents, de même leur
destin est différent !
« Ainsi en est-il pour la résurrection des morts, conclut
saint Paul.
Semé dans la corruption, le corps ressuscite, incorruptible.
Semé corps psychique il ressuscite corps spirituel ».
Lorsque nous lisons le mot spirituel nous avons tendance
à comprendre seulement : immatériel. Ce n’est pas ce que
veut dire saint Paul.
Semé corps psychique, fait pour telle âme, telle psuché,
le corps ressuscite corps « pneumatique ». Il ressuscite
dans la puissance du Saint Esprit .
Ainsi pouvons nous affirmer que nous ne sommes pas
seulement une étincelle faite pour le brasier divin et promise
à une totale dépersonnalisation. « Nous le verrons visage
à visage » dit saint Paul dans le chapitre 13 de la même
Epître aux Corinthiens. Nous le verrons dans nos corps.
« Toute chair verra le salut de Dieu » disait déjà Jean le
Baptiseur.
Dieu nous a aimé chacun comme une personne, corps, âme
et esprit.
Il nous ressuscite corps et âme, tels que nous sommes,
dans l’Esprit saint.
Notre corps de gloire sera-t-il le même que notre corps de
misères, plein de dysfonctionnement et portant les stigmates
d’une vie ou trop longue ou trop courte ? A Dieu ne plaise !
« Qui me débarrassera de ce corps de mort ! » s’écriait
saint Paul, qui avait écrit aussi : « Je porte en mon corps les stigmates de la passion du Christ » (les traces de tortures et
les cicatrices qu’avait imprimé sur son corps sa vie aventureuse).
Les corps glorieux sont l’œuvre du Saint Esprit. Une seule
certitude : ils ne seront pas ratés ou abîmés. Mais ils n’auront
pas d’âge puisque ils sont faits pour l’éternité.
Guillaume de Tanoüarn .