DEUXIEME DIMANCHE DE CARÊME
Amicus meus osculi me tradîdit signo : quem osculatus fuero ipse est ; tenete cum. Hoc malum fecit signum qui per osculum adimplevit homicidium. Infelix praeermisit praetium sanguinis , et in fine laqueo se suspendit. V. Bonum erat ei si natus non fuisset homo ille infelix.
Mon ami m’a livré par le signe d’un baiser : celui que j’embrasserai, c’est lui, prenez-le ; voilà le signal coupable que donna celui qui après un baiser, consomma l’homicide. Le malheureux abandonna (n’eut aucun profit du prix…) le prix du sang et finalement se pendit. Il eût été bon à cet homme de n’être pas né.
Le Christ a été livré…. Et nous Le livrons nous aussi…
Il a été embrassé traitreusement par son ami … Et nous aussi nous L’embrassons !
Il ne nous appelle plus serviteurs, mais ses amis, (Evangile de St Jean 15 v 15) et pourtant, constamment, nous le livrons par nos actions mauvaises, ou tout simplement nos absences, nos fuites.
Songeons d’abord au fait que bien souvent, nous rejetons, par confort, par peur, notre lien fraternel avec Jésus.
Lui qui a placé l’amitié au dessus de tout, puisqu’Il a versé son sang, nous Le livrons, dans nos conversations, quand nous ne le défendons pas, outragé qu’Il est, sans cesse…
Nous le livrons dans nos refus de Sa douce Loi, dans le refus des sacrifices si minimes soient ils, dans nos attitudes vis-à-vis du prochain, dans nos paroles malheureuses.
Nous le livrons par nos attitudes nonchalantes, quand nous n’osons pas affirmer sa parole, et que nous cachons Sa lumière sous le boisseau ! Par peur du qu’en dira t’on, par confort aussi !
Par confort, parce que la voie du Seigneur, est la plus dure des deux routes qui se présentent à nous à chaque instant de notre vie, à chaque décision.
La voie du Seigneur est la moins engageante : caillouteuse et tordue, pleines d’ornières. Celle que le tentateur nous montre est une voie pavée jalonnée de bancs sur lesquels nous oublierons nos soucis, satisfaits de nous-mêmes et du moindre effort accompli.
Pouvons-nous affirmer à la face du Seigneur, choisir toujours, la voie qu’Il nous indique, celle des larmes d’abord, et de la joie ensuite.
Non ! Hélas, bien souvent nous prenons la voie droite, celle de la joie apparente, en écoutant les sirènes du diable, qui nous rend sourds aux avertissements et aux cris au bout du chemin !
Oui, nous le livrons, et satisfaits de le livrer, nous chantons la bouche en cœur, ses louanges, le dimanche à la messe, et lui donnons le baiser de la trahison !
Amendons-nous ! Comportons nous en véritables amis de N.S.J.C !
Plaçons-Le à nos côtés, comme Celui dont on veut apprendre, celui auquel on veut ressembler.
Saint Exupéry écrit très justement « Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. »
Pour toutes choses matérielles, nous avons en effet des étals, et nous amassons des trésors sur la terre, que viendront manger les mites et détruire la rouille (Matthieu 6, Evangile du Mercredi des Cendres).
Les amis nous donnent la possibilité de nous connaitre, puisqu’ils nous renvoient notre image réelle.
Combien Notre Ami Jésus Christ, plus encore, peut faire cela ! Et nous ne prendrions pas le temps de Le connaitre ?
Dieu ? C’est Le Véritable et durable trésor, qu’il nous faut chercher !
L’amitié ne s’achète pas, elle ne se vend pas non plus car elle est précieuse, et la plus précieuse de toutes, est celle de N.S.J.C ! L’amitié, ce n’est pas tirer la couverture à soit, mais Ecouter, Apprendre, Donner…
Combien nous pourrions être fortifiés dans notre vie quotidienne en respectant ce triptyque ! Combien nous pourrions apprendre de Jésus, en Le laissant être notre ami, en Le laissant guider notre volonté, et la caller sur La Sienne comme nous l’avons vu la semaine passée.
Songeons qu’au travers du prochain que nous croisons, c’est le Christ notre ami que nous devons aimer, malgré les défauts de l’autre, malgré la répugnance que nous pouvons avoir.
Le cœur du chrétien doit être le miroir de la lumière de Christ, lumière donnée gratuitement, reflet de Sa volonté, et de son Amour !
Judas pense recueillir le fruit de l’amitié de Jésus, mais entend la réduire à sa volonté, à ses désirs, l’enchainer à son amour propre blessé (Souvenons nous de l’épisode du flacon brisé par Marie de Magdala, dont Judas tire vengeance en vendant Jésus 30 deniers (le prix du flacon de parfum nous dit le Bienheureux Jacques de Voragine dans la Légende Dorée).
Il espère un royaume terrestre, dans lequel il aurait sa place auprès de Jésus, alors que N.S.J.C, lui offre d’être serviteur des pauvres, lui offre de s’effacer devant le prochain…lui offre d’être Son ami…
Anne Catherine Emmerich nous dit : «Judas ne s'attendait pas à ce que sa trahison eût les conséquences dont elle fut suivie... L'argent seul préoccupait son esprit. Il était las de la vie fatigante, errante et persécutée que menaient les apôtres... Il avait toujours espéré un royaume temporel de Jésus et un emploi brillant et lucratif dans ce royaume. Ne le voyant pas paraître, il cherchait à amasser une fortune, et dans les derniers mois il n'avait cessé de voler. Voyant les persécutions s'accroître, il pensait à se mettre bien avec les puissants ennemis du Sauveur. »
Mais Dieu est bon et ne désire pas la mort du pêcheur… En véritable ami, Il accueille et pardonne ! Son amour va jusqu’à nous laisser libre de saisir Sa main, à l’heure où nous tombons sur la route…
Et Judas refuse….refuse la miséricorde de Dieu et va se pendre ! C’est en ce sens qu’il eut mieux valu pour lui de ne pas naitre… Il s’entête, s’enferme dans son erreur, comme nous le faisons parfois (mais heureusement pour nous, de bien moins grave manière)…Il désespère !
Nous ne devons donc jamais désespérer car Dieu est là qui nous tend la main ! Le refus absolu, de prendre cette main tendue nous condamnerait comme Judas !
Et pourtant …combien de fois ignorons-nous Notre Seigneur et Ami ? Combien de fois nous Le livrons par un baiser, combien de fois nous désespérons de Sa miséricorde ?
Nous désespérons de sa miséricorde, en refusant de considérer que son Amour surpasse toutes choses…. que Son sang versé nous lave de nos pêchés !
Bien souvent, nous trouvons dur d’aller nous jeter dans ses bras, pour quérir Son pardon.
Nous sommes dans la peine d’avoir blessé un si grand Ami, de l’avoir trahi… et nous nous enferrons !
Pourtant nous lisons dans le second épitre de Jacques (Jacques 2 v 12 à 13) « Parlez et agissez comme devant être jugés par une loi de liberté, car le jugement est sans miséricorde pour qui n'a pas fait miséricorde. La miséricorde triomphe du jugement. »
C’est donc sans peur et sans tarder que nous devons nous avancer vers N.S.J.C, comme l’enfant prodigue.
Exilés par nos trahisons loin de Sion, nous sommes comme dans un désert, prisonniers de ces baisers que nous donnons, le pêché au bord des lèvres !
Levons nous, changeons résolument d’attitude, marchons vers N.S.J.C, Lui ne nous trahit pas. Il meurt sur la croix pour nous donner la grâce d’être meilleurs !
Contrairement à Judas, prenons le véritable prix du sang, à savoir notre libération des chaines de la vie terrestre…
Jerusalem, Jerusalem, Convertere ad Dominum Deum Tuum !