SAINT CYPRIEN
Cyprien est appelé par las Latins Thascius-Cyprainus. Il eut pour père un des principaux sénateurs de Carthage. Il étudia les Belles-Lettres et la philosophie puis l’éloquence avec beaucoup de succès, et fut promu professeur de rhétorique. C’était un emploi très honorable et il vivait avec un train de vie selon sa naissance. Il dit dans ses écrits à Donat qu’il avait vécu en ce temps-là au milieu des faisceaux, qui étaient chez les romains l’emblème de la souveraine magistrature ; mais il déplore avoir été esclave du vice et d’habitudes criminelles. Il était déjà âgé lorsqu’il abandonna le paganisme.
Il y avait à Carthage un saint prêtre nommé Cécilius. Cyprien se lia d’amitié avec lui, frappé par les discours qu’il entendait sur l’excellence de la religion chrétienne, et commença à goûter des vérités divines et la morale évangélique ; mais son cœur était encore emprisonné par les passions et l’amour du monde, ce qu’il a très bien décrit dans une lettre, où il reconnaît que tout ce qu’il a, il le doit à la miséricorde de Dieu, et qu’il faut demander avec humilité la grâce et la gloire, car sans elles, nous ne pouvons rien.
Cécilius fut l’instrument qui permit à Cyprien d’accéder à la connaissance de la Vérité : Cyprien le regarda toujours comme son père et son ange tutélaire, c’est pour cette raison qu’il se fit appelé Thascius Cecilius Cyprianus. Avant de mourir, Cecilius lui recommanda sa femme et ses enfants, car il avait été marié avant d’être ordonné prêtre.
Cyprien se mit avec ardeur à lire l’écriture sainte. Il résolu entre autres vertus de pratiquer la pureté pour arriver à la perfection. Peu de temps après son baptême, il vendit ses biens et les distribua aux pauvres. Par-là, dit Pontius, il renonça à toute mondanité et accomplit la loi de la charité, que Dieu préfère à tout sacrifice.
Cyprien lisait beaucoup et surtout les écrits de Tertullien son compatriote. C compte-tenu de ses connaissances, il se tenait sur ses gardes pour ne pas retomber dans la vanité. Il menait une vie retirée, de pénitence, progressant chaque jour.. La vénération qu’on lui portait, bien qu’il fût encore néophyte, fit que le peuple demanda à ce qu’il soit élevé au sacerdoce.
Il n’y avait qu’un an qu’il avait été ordonné prêtre, lorsque Donat, évêque de la ville, mourut. Le peuple et le clergé voulurent qu’il soit son successeur. Cyprien prit la fuite ; mais plus il refusait cette nouvelle dignité plus le peuple le pressait. Pour être sûrs qu’il ne s’échappe pas, il encerclèrent sa maison. Cyprien en sortit et, acclamé par le peuple et le clergé, il fut sacré évêque à l’unanimité en 248. Il y eut quelques personnes et cinq prêtres qui se déclarèrent contre, en disant qu’il n’était que novice dans l’Eglise ; mais Cyprien leur montra tant de bonté qu’ils se retirèrent.
Dans l’exercice de ces nouvelles fonctions, Cyprien avait le don d’allier la douceur et la charité avec le courage et la fermeté. On ne pouvait le regarder sans se sentir pénétré d’amour et de respect. Il était toujours souriant et son habillement était des plus simples, sans être négligé. Il prenait un grand soin des pauvres et des catéchumènes.
Mais la paix ne dura pas longtemps. L’empereur Philippe ayant envoyé Dèce en Pannonie pour y châtier les rebelles, ce dernier prit la pourpre. Le nouvel empereur s’avança en Italie, vainquit Philippe, qui fut tué à Vérone, et dont le fils subit le même sort à Rome en 249. Il commença son règne par la persécution des chrétiens. Son édit arriva à Carthage au début de l’année 250. A peine cet édit fut-il publié dans la ville que les païens crièrent :
Cyprien aux lions ! Cyprien aux bêtes !
On le proscrivit sous le nom de Cecilius Cyprien, évêque des chrétiens, et il lui fut défendu de cacher ses biens. Le païens ne l’appelèrent plus que Coprien, mot qui en grec était une injure grossière. Mais malgré la persécution,Dieu protégeait Cyprien. Pour se préserver de l’orage, Cyprien décida de fuir et d’aller de ville en ville selon la vision qu’il avait eue. Bien que Rome l’accusât de délaisser son troupeau, ignorant les visions de Cyprien, c’était mieux ainsi, car il évitait le redoublement de fureur des païens.
Loin de ses fidèles, il leur écrivait souvent pour les exhorter, les consoler, les reprendre, les animer, les incitant à prier continuellement :
- Car il m’a été dit dans une vision : Demandez et vous recevrez.
Il leur disait qu’il fallait qu’ils se ressaisissent de leur relâchement occasionné par une longue paix, et que selon la vision qu’il avait eue (celle d’un immense gladiateur qui s’efforçait de détruire les chrétiens), la paix reviendrait dans l’Eglise.
Il confia les rênes de son diocèse à ses vicaires, dont les uns étaient évêques, tels que Caldoine et Herculan et des prêtres comme Rogatien, Numidique et Tertulle. Les affaires de l’Eglise n’étant pas encore assez embrouillées, apparut le schisme de Novat et de Félicissime, et la dispute s’éleva sur l’absolution de ceux qui étaient tombés durant la persécution.
Félicissime et les cinq prêtres étaient ceux qui s’étaient opposés à l’élection de Cyprien. Novat, prêtre de la même ville, devint ouvertement schismatique. C’était un prêtre de caractère inquiet, féru de nouveautés, dont la foi était suspecte. On l’accusait d’avoir pillé les veuves et les orphelins, les biens de l’Eglise, et d’avoir laissé mourir de faim son père qui habitait dans un village, sans lui rendre ses derniers devoirs. Ces accusations furent prouvées par ses frères. Il méritait d’être déposé et être exclu de la communion des fidèles ; mais la persécution empêchait toute assemblée.
Novat se sépara de son évêque, réunit des partisans et s’arrogea le droit d’ordonner diacre Felicissime, homme qui lui ressemblait. Ils attirèrent cinq autres prêtres et commencèrent à réunir leurs assemblées sur la montagne. Accusant les évêques de sévérité envers les apostats, ils les accueillaient en leur donnant la communion, sans repentir et sans pénitence.
Voyant le désastre, Cyprien envoya des prêtres et des évêques pour les excommunier et écrivit à son troupeau une lettre pour les prémunir du schisme. Cependant, Novat et Novatien ayant provoqué à Rome un schisme contre le pape Corneille, Cyprien écrivit son livre de l’Unité de l’Eglise.
Malgré tout, la faiblesse des schismatique devant la persécution de Dèce fit que beaucoup d’entre eux sacrifièrent aux idoles : on les appela lapsi ou tombés. Certains obtinrent de l’argent ou des certificats qu’ils portaient au cou attestant qu’ils avaient sacrifié et on les nomma les libellatici. Ceux qui revenaient à la foi avaient plusieurs années de pénitence avant d’être de nouveau acceptés dans la communion. Etaient exemptés ceux en danger de mort qui, eux, recevaient l’absolution. On donnait le nom d’indulgences à la relaxation de ces pénitents. On donnait aussi des indulgences aux pénitents, aux martyrs ou aux confesseurs emprisonnés pour la foi, après les avoir examinés. Cette pratique avait lieu en Afrique, en Egypte et en Asie-Mineure. Il y eut des abus sur les indulgences et Cyprien les condamna par trois lettres qu’il écrivit en juin 250 où il dit clairement :
- Quiconque mangera et boira indignement, sera coupable du corps et du sang du Seigneur.
Plusieurs lettres furent échangées avec Rome au sujet de la communion donnée à ceux qui revenaient à la foi et à ceux en danger de mort qui recevaient l’absolution. Rome a toujours été en accord avec Cyprien. A contrario, Novat soutenait les prêtres qui se révoltaient contre leur évêque. En 251, Novat se retira à Rome. La même année, le siège étant vacant depuis un certain temps, Corneille fut élu pape. Cyprien le félicita de son élection et ensemble ils se concertèrent pour lutter contre l’hérésie.
En Afrique, le proconsul ayant changé en 250, la persécution diminua considérablement à Carthage. L’année suivante, l’empereur Dèce périt avec son fils à cause de la trahison du général Gallus, dans la bataille d’Abrutum en Mysie, contre les Carpes, nation Scythe. Cet événement laissa respirer les fidèles. Cyprien put revenir à Carthage après un exil de deux ans. Dès son arrivée à Carthage, il réunit un concile avec de nombreux évêque où les schismatiques furent condamnés. Dans un deuxième concile, l’année suivante, peu de temps après Pâques, ils obtinrent une indulgence plénière à l’occasion de la persécution de Gallus qui menaçait l’Eglise. C’est à cette époque que Cyprien écrivit le traité de Lapsis (ou de ceux qui étaient tombés).
Les visions continuèrent à être fréquentes à cette époque, et Cyprien en rapporte plusieurs (par des lettres écrites à ses diacres) en disant que Dieu le favorisa. C’est ainsi qu’il justifia sa fuite sous Dèce, pour, par la suite, pouvoir de nouveau s’occuper de son troupeau.
/…/
Les persécutions continuèrent et Cyprien finit par être capturé et emprisonné en 258. Cette même année, il comparut devant le tribunal du proconsul. Le scénario était toujours le même. Questions, réponses, sur le fait d’être chrétien et de refuser de sacrifier aux dieux romains.
Quand le jugement fut terminé et qu’il fut condamné à mort, il sortit par la porte du prétoire et, des tribuns et des centurions l’encadrant, on le conduisit à la campagne dans un lieu arboré où devait avoir lieu son supplice. Cyprien, arrivé au lieu prévu, se mit à genoux pour prier Dieu. On lui enleva sa dalmatique et il demeura en chemise. Il se banda lui-même les yeux et demanda à un diacre de lui lier les mains. Les chrétiens se mirent autour de lui avec des linges et des mouchoirs pour recueillir son sang. On lui coupa la tête le 14 septembre 258. Ses fidèles emportèrent rapidement son corps pour l’enterrer provisoirement dans un champ voisin sur le chemin de Mappale. On y bâtit deux églises, l’une appelée Mappalia à l’endroit de sa décapitation et qui par la suite prendra le nom de Mensa Cypriana ou table de Cyprien.
De retour de Perse, Charlemagne obtint du roi mahométan d’Afrique la permission d’ouvrir le tombeau de Saint Cyprien et d’emporter ses restes qui, selon Agobard, furent déposés dans la ville d’Arles en 802, en 806 selon une autre version. Par la suite, les reliques furent transportées à Lyon en l’église Saint Jean Baptiste. Charles le Chauve fit transférer les reliques à Compiègne et on les enferma avec celles de Saint Corneille qui se gardent dans cette abbaye (Abbaye Saint Corneille). Une partie de ces reliques se trouve dans la collégiale de Rosnay en Flandre.