A l'hiver de 1290, une pauvre parisienne emprunte trente sous parisis, la monnaie de l'époque, à un usurier appelé Jonathas, de la rue des Jardins (incorporée en 1890 à l'actuelle rue des Archives dans le 4e arrondissement), autrefois dénommée rue des Billettes. En gage, elle lui laisse des habits qui ont à ses yeux une grande valeur sentimentale.
La fête de Pâques approche maintenant. La femme souhaite récupérer ses habits pour les porter à l'occasion des cérémonies de la Semaine sainte. Mais elle n'a pas l'argent nécessaire pour cela. Elle en fait part à l'usurier qui lui propose le marché suivant : il consent à lui restituer ses effets, moyennant un cadeau : une hostie consacrée qu'elle devra lui apporter en toute discrétion.
Marché conclu. La pauvre femme assiste à une messe célébrée près de chez elle, dissimule une hostie sous sa langue, sort de l'église comme si de rien n'était puis la porte à l'usurier. Celui-ci perce alors l'hostie à plusieurs reprises avec un couteau. Aussitôt, du sang jaillit à la surface de l'hostie, comme s'il s'agissait d'un morceau de chair. Tétanisé, Jonathas veut en finir : il plonge l'hostie sanguinolente dans un chaudron. Ce qu'il voit de ses yeux le stupéfie : le chaudron ne contient plus d'eau désormais, mais du sang ! Pris de remords et mort de peur, Jonathas s'enfuit, laissant portes et fenêtres de son domicile ouvertes.
Une voisine a été témoin de la scène. Celle-ci s'aventure jusque chez l'usurier pour en avoir le cœur net. Là, elle voit l'hostie d'un blanc immaculé, élevée au-dessus du chaudron. Elle la récupère après avoir récité un Ave et un Pater et la rapporte à son curé.
L'hostie miraculée devient l'objet d'une grande dévotion parmi le peuple de Paris. De grandes processions ont lieu en son honneur régulièrement, entre le XIIIe et le XVIIIe siècle. En 1412, 40 000 personnes y prennent part, puis 10 000 en 1444.
En souvenir du prodige, la rue des Jardins prend au XVe siècle le nom de « rue où Dieu-fut-Bouilli ». L'hostie est conservée dans un magnifique reliquaire dans l'église Saint-Jean-de-Grève (dans l'actuel 4e arrondissement) jusqu'à la Révolution française. Mais l'édifice est détruit entre 1797 et 1800. La relique eucharistique disparaît également.
Jonathas, quant à lui, se convertit au catholicisme, ainsi que sa femme et ses enfants.
En 1295, le pape Boniface VIII autorise la construction d'une chapelle sur l'emplacement de la maison de Jonathas qui a été rasée. C'est la naissance de la chapelle des Billettes.