A Rome, la Station est dans l’Église de Saint-Marcel, Pape et Martyr. Cette église avait été la maison de la sainte dame Lucine, qui la donna au Pontife pour la consacrer au culte de Dieu.
ÉPÎTRE.
L’Église, en nous mettant aujourd’hui sous les veux ce passage du Lévitique, dans lequel les devoirs de l’homme envers son prochain se trouvent exposés avec tant de clarté et d’abondance, veut faire comprendre au chrétien en quel détail il doit scruter et réformer sa vie, sur un point de si haute importance. C’est Dieu même qui parle ici et qui intime ses ordres ; entendez comme il répète presque à chaque phrase : « Moi, le Seigneur » ; afin de nous faire comprendre qu’il se constituera le vengeur du prochain que nous aurions lésé. Que ce langage devait être nouveau à l’oreille des catéchumènes, élevés au sein de ce monde païen, égoïste et sans entrailles, qui ne leur avait jamais dit que tous les hommes étant frères, Dieu, Père commun de l’immense famille de l’humanité, exigeait qu’ils s’aimassent tous d’un amour sincère, sans distinction de races et de condition ! Nous, chrétiens, en ces jours de réparation, songeons à remplir à la lettre les intentions du Seigneur notre Dieu. Souvenons-nous que ces préceptes furent intimés au peuple israélite, bien des siècles avant la publication de la Loi de miséricorde. Or, si le Seigneur prescrivait au Juif un si sincère amour de ses frères, lorsque la loi divine n’était encore écrite que sur des tables de pierre, que ne demandera-t-il pas du chrétien qui peut maintenant la lire dans le cœur de l’Homme-Dieu descendu du ciel et devenu notre frère, afin qu’il nous fût à la fois plus facile et plus doux de remplir le précepte de la charité ? L’humanité unie en sa personne à la divinité est désormais sacrée ; elle est devenue l’objet des complaisances du Père céleste : c’est par amour fraternel pour elle que Jésus se dévoue à la mort, nous apprenant par son exemple à aimer si sincèrement nos frères que, s’il est nécessaire, « nous allions jusqu’à donner notre vie pour eux [9] ». C’est le disciple bien-aimé qui l’a appris de son Maître, et qui nous l’enseigne.
ÉVANGILE.
Après la fête des Tabernacles vint celle de la Dédicace, et Jésus était demeuré à Jérusalem. La haine de ses ennemis croissait toujours, et voici qu’ils s’assemblent autour de lui, afin de lui faire dire qu’il est le Christ, pour l’accuser ensuite d’usurper une mission qui n’est pas la sienne. Jésus dédaigne de leur répondre, et les renvoie aux prodiges qu’ils lui ont vu opérer, et qui rendent de lui un si éclatant témoignage. C’est par la foi, et par la foi seule, que l’homme peut arriver à Dieu en ce monde. Dieu se manifeste par des œuvres divines ; l’homme qui les connaît doit croire la vérité que de telles œuvres attestent ; en croyant ainsi, il a en même temps la certitude de ce qu’il croit et le mérite de sa croyance. Le Juif superbe se révolte ; il voudrait dicter la loi à Dieu même, et il ne comprend pas que sa prétention est aussi impie qu’elle est absurde.
Cependant il faut que la doctrine divine ait son cours, dût-elle exciter le scandale de ces esprits pervers. Jésus n’a pas à parler seulement pour eux : il faut aussi qu’il le fasse pour ceux qui croiront. Il dit donc alors cette grande parole, par laquelle il atteste, non plus seulement sa qualité de Christ, mais sa divinité : « Moi et mon Père, nous sommes une même chose ». Il savait qu’en s’exprimant ainsi il exciterait leur fureur ; mais il fallait qu’il se révélât à la terre et confondît d’avance l’hérésie. Arius se lèvera un jour contre le Fils de Dieu, et dira qu’il n’est que la plus parfaite des créatures : l’Église répondra qu’il est une même chose avec le Père, qu’il lui est consubstantiel ; et après bien des agitations et bien des crimes, la secte arienne s’éteindra et tombera dans l’oubli. Les Juifs sont ici les précurseurs d’Arius. Ils ont compris que Jésus confesse qu’il est Dieu, et ils tentent de le lapider. Par une dernière condescendance, Jésus veut les préparer à goûter cette vérité, en leur montrant par leurs Écritures que l’homme peut recevoir quelquefois, dans un sens restreint, le nom de Dieu, à raison des fonctions divines qu’il exerce ; puis il porte de nouveau leur pensée sur les prodiges qui témoignent si hautement de l’assistance que lui prête son Père, et répète avec une fermeté nouvelle que « le Père est en lui, et lui dans le Père ». Rien ne peut convaincre ces cœurs obstinés ; et la peine du péché qu’ils ont commis contre le Saint-Esprit pèse toujours sur eux davantage. Que différent est le sort des brebis du Sauveur ! « Elles écoutent sa voix, elles le suivent ; il leur donne la vie éternelle, et nul ne les ravira de ses mains. » Heureuses brebis ! Elles croient parce qu’elles aiment ; c’est par le cœur que la vérité se fait jour en elles ; de même que c’est par l’orgueil de l’esprit que les ténèbres pénètrent dans l’âme de l’incrédule, et s’y établissent pour toujours. L’incrédule aime les ténèbres ; il les appelle lumière, et il en vient à blasphémer, sans plus sentir qu’il blasphème. Le Juif en vient jusqu’à crucifier le Fils de Dieu pour rendre hommage à Dieu.