Comme il n’est pas possible de résumer en quelques paragraphes la bataille de
Loigny, je ne parlerai ici que de l’action des Volontaires de l’Ouest (placés sous le commandement du Général de Sonis) et de la bannière qui servit de fanion
à leur régiment.
Les Volontaires de l’Ouest à la bataille de Loigny
2 décembre 1870
Le général Gaston de Sonis (1825-1887) se trouvait en Algérie lorsque la guerre
franco- prussienne éclata en Juillet 1870. A sa demande, il fut envoyé en France
en octobre et Gambetta lui confia alors le commandement du 17e corps
de la 2ème Armée de la Loire.
Le monument du Général de Sonis à Loigny
C’est ainsi que le 1er décembre 1870, il retrouva sur la route de Patay
les Volontaires de l’Ouest commandés par le Colonel de Charette.
Ce bataillon, composé en grande partie d’anciens Zouaves Pontificaux,
avait été incorporé dans l'Armée de la Loire et était donc passé sous
son commandement.
Sonis et Charette firent route ensemble, en compagnie du Père Doussot,
religieux dominicain,aumônier des Volontaires de l’Ouest. Ce dernier leur
parla notamment du seul moyen de salut qui restât à la France : redevenir
pleinement chrétienne.
Alors Sonis leur montra le fanion que portait un de ses spahis :
une croix blanche sur fond bleu, et leur dit : « Il est vrai que cette
croix héraldique ne parle pas assez de Jésus Christ. J’y avais bien fait peindre
d’abord un crucifix, mais il était si mal fait que je n’en voulus pas. »
« Eh bien, mon général, tenez, j’ai ce qu’il vous faut », lui répondit le Colonel
de Charette.
Et il lui conta l’histoire de la bannière du Sacré Cœur qu’il transportait avec lui.
Ce récit émut profondément Gaston de Sonis. Il décida que, puisqu’elle avait été
donnée aux Zouaves, c’est un zouave qui la porterait, chargeant
le Colonel de Charette de désigner lui-même le porte-fanion.
Leur route les amena enfin à Saint-Péravy-la-Colombe où ils firent halte
pour la nuit.
A deux heures du matin, le Père Doussot célébra la Messe dans l’église
du village.
C’était le premier vendredi du mois, jour de l’office du Sacré-Cœur.
Le Général de Sonis, le Colonel de Charette, ainsi que nombre de Zouaves
Pontificaux, y assistèrent et communièrent.
Cette veillée d’armes fut la dernière pour beaucoup. Le soir même la plupart
gisaient blessés ou morts sur le champ de bataille.
La communion suprême des Zouaves (tableau de Lionel Royer dans l’église de Loigny)
Après l’action de grâces, l’ordre fut donné aux troupes de se diriger vers Loigny.
La bataille faisait rage dans la plaine de Beauce entre les Allemands et l’Armée
de la Loire.
Pour repousser les troupes allemandes et les empêcher d’encercler
les 16ème et 17ème Corps, Sonis devait absolument reprendre à l’ennemi
le village de Loigny.
Malgré tous ses efforts, les soldats du 51ème régiment d’infanterie
refusèrent de poursuivre le combat et se couchèrent dans les sillons.
Il leur dit alors : « Eh bien, puisque vous ne savez pas mourir pour la France,
je vais faire déployer devant vous le drapeau de l’honneur.» Il s’élança au galop
et rejoignit les Zouaves Pontificaux. Tous voulaient le suivre. Il en prit 300 qui se
joignirent aux Mobiles des Côtes du Nord et aux francs-tireurs de Tours et de Blidah.
La nuit tombait.
Le général de Sonis dit au Colonel de Charette : « C’est le moment de faire
déployer la bannière du Sacré Coeur. » Et ils partirent à l’assaut de Loigny.
La charge des Zouaves Pontificaux
Pour atteindre le village, les Français devaient franchir un petit bois
où les Allemands s’étaient retranchés Le Général de Sonis et le Colonel
de Charette à leur tête,
les Volontaires de l’Ouest s’élancèrent aux cris de « Vive la France !
Vive Pie IX ! ».
Henri de Verthamon les précédait, tenant haut la bannière.
Une pluie de projectiles s’abattit sur eux. Sonis fut grièvement blessé à la cuisse
et s’effondra.
Puis, Henri de Verthamon fut touché à mort.
Le Comte de Bouillé se précipita pour reprendre la bannière, mais il tomba à
son tour, mortellement blessé. Son fils Jacques la reprit. Quelques minutes
plus tard,il était tué.
Son gendre, Edouard Cazenove de Pradines s’en empara, fut grièvement blessé
au bras et laissa échapper la bannière. Le zouave Le Parmentier parvint à la saisir,
mais fut blessé à son tour.
Les Zouaves Pontificaux, grâce à leur héroïsme, parvinrent dans un
premier temps à chasser l’ennemi du bois et à atteindre les premières
maisons de Loigny.
Mais lorsque les Allemands s’aperçurent qu’ils étaient très peu nombreux,
ils les pourchassèrent et les repoussèrent.
La retraite fut sonnée. Les Zouaves se replièrent en bon ordre. Plusieurs furent
encore tués, le Colonel de Charette fut blessé. Le sergent Landeau, qui avait réussi à récupérer la bannnière, teintée du sang de tous ses défenseurs et trouée par les balles,
parvint à la rapporter à l’arrière.
Il la confia au Père Doussot qui la cacha sous sa robe blanche pour la soustraire aux
Allemands.
La bannière était sauvée.
Tués en portant la Bannière : Henri de Verthamon, Fernand et Jacques de Bouillé
Partis 300, les Zouaves Pontificaux laissèrent sur le champ de bataille
198 des leurs, tués ou blessés, dont 10 officiers sur 14.
Leur sacrifice ne fut pas vain.
Ils sauvèrent l’Armée de la Loire du désastre, en empêchant le mouvement
d’encerclement de l’armée allemande.
La nuit du 2 décembre (tableau de Lionel Royer dans l’église de Loigny)