29 avril : nous avions une RIB à Lyon.
RIB ?
Rien à voir avec les Banques. Il s’agissait d’une Réunion Inter Banquisards. La Banquise de Mortimer, vous le savez, c’est d’abord une réalité virtuelle, accessible seulement sur écrans. Mais de temps en temps, le temps d’une RIB justement, le virtuel devient réel et nous communiquons en live, nous les pingouins.
Rendez-vous était pris, en ce beau samedi plein de soleil, à la cathédrale de Lyon, appelée aussi Primatiale, car elle revendique l’honneur d’être l’église du Primat des Gaules, la première église de France.
Pour l’instant, ce sont surtout des touristes qui se pressent sur la Place devant une façade resplendissante, des mutants de Panurge, qui passent le temps.
Pour chacun de nous, Banquisards confirmés ou novices, c’est une autre dimension que nous cherchons, à travers ce monument de la France chrétienne. L’horloge astronomique ?
Cette curiosité pluri centenaire est en panne. Ce que nous cherchons dans cette cathédrale, c’est bien autre chose que la curiosité, c’est un écho de la grandeur de cette France chrétienne, oui… ce que nous essayons d’entendre, dans le silence sacré, c’est la marche des siècles vers le Christ.
Station devant la chapelle des évêques de Lyon, parmi lesquels, au XIXème siècle, l’oncle de Napoléon Bonaparte, le cardinal Fesch et le fils d’un théoricien contre-révolutionnaire célèbre, le cardinal de Bonald : comme le temps passe. Et en même temps, à l’intérieur de cet édifice, il semble s’être arrêté. A côté de ces cardinaux antiques, sont ensevelis des cardinaux plus récents, parmi lesquels le cardinal Decourtray durant la messe duquel eut lieu un étonnant miracle eucharistique, filmé pour la postérité, l’hostie s’étant élevée d’une vingtaine de centimètres au-dessus de l’autel. Le cœur plein de songes, nous allons voir le trésor, avec d’extraordinaires vêtements brodés qui ont dû nécessiter des vies entières de religieuses, données à leur Seigneur dans l’obscurité de cloitres ignorés. Nous avons une pensée pour la liturgie lyonnaise
Déjeuner sympathique, évidemment dans un bouchon lyonnais, de l’autre côté de la Saône. On traverse la Place Bellecourt ensoleillée. Salut au passage à Louis XIV dont la statue équestre, créée par un « illustre sculpteur » dont le nom ne dit rien à personne, domine le vaste terre-plein.
Tout à l’heure, les fesses du cheval serviront d’indicateur pour notre dernier rendez-vous avec Mortimer. Petite erreur, nous entrons au fond du café au lieu de rester sur les terrasses encore vides… Le soleil va nous manquer pour déguster les gnafrons (flancs d’andouillette), les pieds paquets et autres tabliers du sapeur, avec un petit Saint-Joseph agréablement poivré.
Nourritures terrestres, certes ! Mais qui sont le reflet dans la matière de tout ce qui aimante en nous le désir spirituel. Le déjeuner a-t-il été trop long ? Certains banquisards le pensent très fort, impatients qu’ils sont de découvrir Notre-Dame de Fourvière. Le téléphérique est partiellement en panne, le chemin sera un peu plus long. Je mets ma voiture à la disposition de ceux qui n’ont pas envie ou pas les moyens physiques d’un effort trop important. C’est ça aussi la banquise : une vraie diversité.
Notre Dame de Fourvière a été construite à la même époque que Montmartre, suite à un vœu de la population, qui, en 1870, a dû subir une première invasion de son territoire par les Allemands. Il me semble que les mosaïques sont plus militantes qu’à Montmartre : on voit en entrant par la petite chapelle primitive la Bataille de Lépante, triomphale et (aujourd’hui) mal pensante. On découvre Jeanne d’Arc, brûlée vive sur la Place du Marché de Rouen : cette petite bergère n’a-t-elle pas sauvé la France ? Il y a aussi le concile d’Ephèse en 431, qui reconnaît la maternité divine de la Sainte Vierge, ce qui fait d’elle réellement notre mère. N’oublions pas bien sûr les martyrs de Lyon, avec saint Pothin, évêque de la Ville et sainte Blandine, si touchante dans son courage face aux bêtes. Ces quatre mosaïques somptueuses, pleines de couleurs et pleines de force, nous rappellent que l’histoire est une sorte de langage divin. Dieu nous parle toujours à travers les événements, dont il faut faire mémoire, comme autant de manifestations de sa volonté.
La journée se termine pour ceux qui veulent à Saint Irénée, petite église voisine de l’archevêché, où avant la Révolution, on pouvait vénérer les restes de saint Irénée, le grand théologien successeur de saint Pothin, qui écrivit un livre magistral « Contre les hérésies », en fait contre l’hérésie gnostique, qui faisait rage à l’époque. Un guide se présente, qui nous explique que le célèbre Codex de Bèze, l’un des quatre plus anciens manuscrits comportant le texte des quatre évangiles, a dû être copié ici à Lyon, reproduisant sans doute des variantes que l’on trouve justement dans le texte de saint Irénée, lequel Irénée nous dit, dans son ouvrage, qu’il avait connu Polycarpe, lequel avait connu saint Jean, le disciple que Jésus aimait.
A Lyon, on touche ainsi du doigt les origines du christianisme. Notre RIB, organisée pour Caroline et Sébastien, les régionaux de l’étape, nous a ainsi menés, sous la houlette de Jean-François, jusqu’aux origines du christianisme. Les inscriptions funéraires des IIIème et IVème siècle que l’on découvre en descendant dans la crypte, nous montre comment les chrétiens de l’époque se présentaient à la postérité, comment ils se jugeaient eux-mêmes, homme de bien, femmes courageuses, en attendant le jugement du Juge. Petites inscriptions touchantes, en mémoire de très jeunes enfants, auxquels le baptême a conféré la vie éternelle.
Ainsi notre voyage dans l’espace est-il devenu un voyage dans le temps, une découverte de notre arrière-pays chrétien .
Guillaume de Tanoüarn .