« Il n’y avait pas de place pour eux à l’Hôtellerie » dit saint Luc.
Joseph a été rejeté de la Maison commune, qui est bondée, à cause des événements, de ce grand recensement ordonné par César Auguste. Il veille sur une femme enceinte, mais il n’a pas d’argent. Pas moyen de fléchir le Bourgmestre. Il faut trouver autre chose car le temps où sa femme devait enfanter est arrivé. Autre chose mais où ? Chez qui ?
Par sa lointaine ascendance davidique, il est originaire de Bethléhem. Mais aujourd’hui il ne connaît plus personne ici. Avec ses frères, avec ses cousins, il vit à 100 kilomètres de là, à Nazareth, ce village de gens pieux, isolé dans la Galilée des nations ; il fait partie de ces gens qui ne font qu’attendre le Messie et dont la piété n’a pas très bonne réputation : « De Nazareth, que peut-il sortir de bon ? ». L’hôtelier, le bourgmestre ne l’ont pas regardé. Ce sont des judéens. Et lui… Son accent le trahit, ce n’est qu’un Galiléen…
Où aller ? Le soleil est en train de se coucher. Il s’est levé, il a redressé la tête, il est reparti dans la campagne, avec Marie toujours, Marie qui devrait être pleine d’appréhension, mais qui ne dit rien et sourit, Marie qui, en cet instant, ne sait que sourire car bientôt, car très vite, elle va voir Celui que Dieu lui-même lui a donné.
Joseph garde le silence. Il se souvient de tout ce que cette grossesse inattendu a pu susciter comme événement. Lorsqu’il a vu Marie, grosse par l’opération du Saint Esprit, il a fait, déjà, un grand acte de foi. Cet acte de foi dans la Providence attentive du Seigneur, il le renouvelle en cet instant, mais il ne sait pas où aller.
Il avait dit au Seigneur qu’il n’était pas digne de cette charge et de cette paternité. Mais tout cela passe et repasse dans sa mémoire : le Seigneur lui a révélé le nom de cet enfant, comme autrefois Yahvé à Moïse. Et le Seigneur l’a chargé de lui donner ce nom, comme tous les pères, en Palestine à l’époque, donnent un prénom à leur enfant, en le reconnaissant comme de leur lignée : « Certes ce qui s’est accompli en elle vient du Saint Esprit, a-t-il entendu en songe : elle enfantera un fils mais c’est toi qui lui donneras le nom de Jésus [Yeshua : salut] car lui, il sauvera son peuple de ses péchés ». Tout indigne qu’il soit, lui Joseph, le gardien de la Vierge, il va donner son nom à l’Enfant miraculeux… Dieu le veut ! Dieu le lui a dit ! Cela va avoir lieu, dans huit jours, il le sait, au moment de la circoncision de l’enfant. Alors maintenant, pourquoi ne pourrait-il pas faire face à ce coup du sort, alors que déjà la Mère est rejetée avec l’enfant qu’elle porte et qu’elle apporte au monde ?
S’il a compris une chose, Joseph, dans ce maelström de circonstances abracadabrantes qu’il vient de vivre, c’est que Dieu n’agit pas comme nous. Lui que Dieu lui-même a choisi comme père, il se souvient de l’enseignement des Prophètes : « Mes voies ne sont pas vos voies ni mes pensées vos pensées ». Et cela suffit à le rassurer, à l’apaiser, à lui donner la force d’installer la Vierge qu’il a épousée là où Dieu voudra, pour qu’elle puisse enfanter. Ces circonstances abracadabrantes, c’est la marque de Dieu, le signe qui lui est donné à lui Joseph, pour que sa foi soit solide comme la pierre.
Oh ! Il ne le sait pas encore, mais il n’a pas fini d’en voir. Bientôt il devra partir pour l’Egypte, parce que l’Enfant promis attire la haine de tous les gens en place et d’abord de cet Hérode monstrueux qui sert de chef à la Palestine, pour le compte des Romains. Il partira pour l’Egypte, comme il vient de quitter le Caravansérail : tranquille dans la force qu’il recevait de Dieu en cet instant.
« Il n’y avait pas de place pour eux à l’Hôtellerie »… En fait, plutôt, « l’Hôtellerie n’était pas une place pour eux » … Il le quitte sans regret, allant vers le soleil couchant, parce qu’il attend la lumière.
Abbé G. de Tanoüarn
Notre aumônier répondra prochainement à la
question posée par Philomène .
Bien à vous tous .
Mortimer