la fin de la trilogie sulpicienne de ce ouiquènde, en quelque sorte...
La nuit tombait sur les ruines de Saint Sulpice perpétuellement en travaux, quand on a fini de rafistoler d'un côté ça s'écroule de l'autre, à l'intérieur le délabrement des chapelles était plus saisissant que d'habitude, tout baignait dans une lueur crépusculaire qui serrait le coeur, les maigres ampoules électriques éclairant d'une lumière blafarde les vitraux blanchâtres à moitié cassés des chapelles ruinées où les statues de pierre veillent en silence sur des autels oubliés, De profundis clamavi ad te, Domine !
C'est tout le charme de Saint Sulpice qui s'est gardé en se dégradant, le jour, improbable, où tout cela sera restauré, le charme s'évanouira, et nous avec, elle n'a guère changé depuis Huysmans cette immense église glacée, enfin une église de Paris qui n'est pas surchauffée, elle est inchauffable, on ne peut s'y assoupir, la Foi reste en éveil, ça tombe bien c'est la Messe, et c'est le bon prêtre qui avait dit la Messe du centenaire de la mort de Huysmans qui va la célébrer, j'aime ce prêtre d'un autre âge et déjà âgé, il dit la Messe comme au siècle de Jean Jacques Olier, avec la simplicité touchante et naturelle de cette époque mystique, je l'ai vu en pleine Messe de Huysmans, dompté, lié et enchaîné le démon et le faire assister subjugué aux saint mystères, qui sait ce que nous réserve la fin des temps...
Il n'est plus temps, prenons place dans le choeur, derrière la maître-autel où la Messe sera dite, je découvre l'endroit, une double rangée de stalles en bois pour une centaine de chapelains l'encadre, des chaises en paille sont disposées sur toute la profondeur, point de chapelains aujourd'hui mais bientôt trois cents fidèles surgit de la nuit de Paris, de ce quartier livré au luxe du plus mauvais goût et où se survit une vie de Foi toute sulpicienne, la vraie tradition est là, celle des familles de Saint Sulpice dont les jeunes filles sont habillées et coiffées suivant une diversité de mode qui va des années 30 aux années 60, où le temps semble s'être arrêté à cette période incertaine où plus rien n'allait être comme avant.
Et pourtant c'est la Messe d'aujourd'hui célébrée avec cette simplicité bon enfant qui la caractérise, le recueillement semble étrange tant le silence est grand dans ce choeur maintenant empli de fidèles pas encore défunts.
Les chants sont sulpiciens au sens de l'art du même nom, c'est étonnant et même touchant quand on n'est pas habitué, ce côté un peu sucré finissant par vous attendrir et vous ouvrir le coeur, c'est la première fois que j'entends ainsi chanter la Messe à Paris sur le ton de cantiques oubliés, elle est priante cette Messe, on finit par s'y fondre, par y laisser fondre notre coeur.
La Messe a été dite, et bien dite, nous avons récité à la fin la prière pour l'unité des chrétiens de l'abbé Paul Couturier, l'unité rêvée, c'est l'année Saint Paul, ce n'était déjà pas évident de son temps, prions.
Rendons grâce, car tout est grâce en vérité, les Soeurs Bénédictines du Sacré-Coeur auront eu leur retraite à Montmartre, j'aurais eu la mienne à Saint Sulpice.
Merci cher Monsieur