Il faut savoir fêter Noël, reproduire pieusement les vieilles coutumes de nos anciens, car elles portent un enseignement très profond, qui tient du cours de catéchisme, d’une alliance avec la nature, et des travaux pratiques de religions.
Que l'on ne se dise jamais de Noël : encore un de passé, que l'on soit capable de retrouver chacun l'enfant aux yeux écarquillés qu'il ou elle a été, en sachant recevoir les cadeaux de nos proches, en apprenant à les faire, avec une intention et une attention particulière envers chacun.
Certains vous diront : les cadeaux, ce n'est pas chrétien... Ah bon ! Et apprendre à donner, ce n'est pas chrétien ? Apprendre à recevoir avec gratitude comme le dixième lépreux guéri, le seul qui soit venu remercier Jésus de sa guérison et dont l'évangéliste note sobrement : "C'était un Samaritain". Un Samaritain devenu chrétien par le cadeau de la santé...
Apprendre aussi qu’il y a encore plus de joie à donner un cadeau bien choisi et dont on sait qu’il fait plaisir à la personne que l’on veut remercier d’exister, qu’à recevoir pour soi tous les cadeaux du monde. Noël nous aide à réactiver nos cœurs et à sortir du calcul don-contre-don pour nous apprendre à faire plaisir gratuitement.
Noël c'est aussi une liturgie, la liturgie de la crèche dans laquelle on dépose l'Enfant Dieu, car dans une vraie crèche, c’est ce soir et pas avant qu’arrive l’enfant Jésus.
Quant aux mages, on les attendra jusqu’au 6 janvier.
Cette liturgie de la crèche est l’une des rares liturgies domestiques qui nous reste, une liturgie qui rassemble la famille. Nous préférons parfois nos amis (que nous avons choisis) à notre famille que nous ne choisissons pas et au sein de laquelle nous pouvons ressentir ou de la jalousie ou une volonté de revanche ou telle plaie mal fermée, blessure d’amour propre, histoire de gros sous etc.
Les réunions de Noël peuvent paraître bien artificielles, elles n’en sont pas moins fort nécessaires, elles sont, selon le chant des anges, autant de déclarations de paix entre nous. Il est parfois plus difficile d’être en paix avec ses proches qu’avec ses lointains. Il faudrait que Noël soit le jour où l’on remette les dettes de nos débiteurs.
Il faut être attentif également aux cantiques de Noël, ces cantiques dont on a fait des rengaines et sur lesquels il est de bon ton parfois de dauber, mais dont les paroles, simples et émouvantes ouvriraient le coeur le plus fermé : Minuit chrétien, les anges dans nos campagnes, le Divin enfant, ce n'est pas du folklore, c'est un appel de Dieu pour que nos coeurs de pierre se transforment en coeurs de chair.
Enfin il faut être attentif à la date de Noël, une date qui n’est pas la vraie date puisque dans la vraie histoire de l’Evangile, les bergers veillaient durant la nuit sur des troupeaux : ils ne les avaient pas rentrés à l’étable. Le temps devait être clément et la saison favorable. L’Eglise n’a jamais essayé de fêter Noël au printemps.
Noël c’est le solstice d’hiver, la victoire annuelle de la nature, le moment où l’obscurité recule, où il recommence à faire jour un peu plus longtemps.
Nous avons éprouvé la puissance des ténèbres, nous avons expérimenté leur prégnance. A partir de Noël, de la venue sur terre de cet Enfant, nous ressentons à nouveau le primat, malgré tout, de la lumière sur les ténèbres. Le pacte que Dieu le créateur a fait avec nous se vérifie, petit à petit, jusqu’à la Pentecôte, cet avènement de l’Esprit saint dans nos cœurs, nous comprenons que, non, rien ne s’opposera jamais absolument à la lumière, nous apprenons du rythme de la nature que, comme le dit Paul Eluard, « la nuit n’est jamais complète ».
Je ne dis pas Saint Noël car je ne suis pas sûr d'en être capable moi-même, de cette sainteté, mais oui : joyeux Noël à tous ceux qui veulent se souvenir de l'enfant qu'ils ont été ! A tous ceux qui ont soif de vie, à tous ceux qui croient que la lumière l’emporte toujours sur les ténèbres, à tous ceux dont le Christ (même s’ils ne le savent pas) est le solstice d’hiver.…
GdT